Un nouvel épisode pour apprendre à dater une montre au premier regard.

J’ai utilisé précédemment les radios-nucléides pour la datation absolue et la forme des boîtiers pour la datation relative. Nous allons rester dans la datation relative avec les aiguilles pour toile de fond.

Comme pour les boîtiers, la forme de l’aiguille et sa conception a évolué au fil du temps et des modes. Chaque décennie a sa forme prédominante. Il y a deux catégories pour chaque période. Celle des aiguilles pleines et celle des aiguilles lumineuses.

Aiguilles « Breguet » et ailes de mouches

Je ne vais pas remonter plus loin aujourd’hui car je me focalise sur les montres de poignet. Cette datation débute donc dans les années 1910 avec la mode des aiguilles « Breguet ». Elle sont réalisées avec un petit cercle ajouré placé juste avant l’extrémité pointue. Elles sont nommées ainsi car c’était Louis Abraham Breguet qui les avaient inventées. La majeur partie du temps, elles sont en acier bleui.

Lorsque de l’acier (simple, pas inox) est chauffé, il prend les couleurs de l’arc-en-ciel en s’oxydant. Pour avoir une couleur homogène, on met les pièces dans un bain de grenaille de cuivre que l’on fait chauffer. On obtient ainsi une couleur homogène sur toute la pièce. Du bleu en l’occurrence. Ce principe est beaucoup utilisé car il protège l’aiguille de l’oxydation. Car oui, l’oxydation est une fine couche qui recouvre le métal et le protège ainsi de plus de dommages.

En ce temps là, les aiguilles « aile de mouche » sont aussi à la mode. Elle emprisonnent du radium dans leur cloisons permettant ainsi de lire l’heure dans le noir avec le lumière emmagasiné par cette nouvelle peinture radioactive qui vient d’être inventée.

Vous avez deviné pourquoi elle se nomment ainsi. Les multiples cloisons qui composent l’aiguille des heures fait beaucoup pensé à des ailes de mouche. Cette forme est aussi nommé « cathédrale » car cela rappel les vitraux des églises.

Ces deux types de formes sont très à la modes entre 1900 et 1920

Art déco et lignes fines

Les années 30 sont très fastueuses en terme d’innovation, et de facettes, et de folies, mais les aiguilles qui vivent sous les verres, elles, sont très fines et délicates. C’est dans cette période que l’on voit apparaitre les aiguilles « plume ». Nommées ainsi grâce à leur ressemblance aux plumes qu’utilisaient leurs contemporains pour écrire.

Lorsque les aiguilles ne sont pas en acier bleui elle sont en laiton ou en bronze.

L’époque Art Déco est aussi caractérisée par les aiguilles droites, très fines. Elles sont à l’opposé des boitiers qui les entourent, qui sont souvent cossus et plein de facettes.

Les aiguilles luminescentes sont encore pour la plupart des « aile de mouche » bien que les « seringue » fassent leurs premières apparitions chez Movado.

Losanges et aiguilles « feuille de sauge »

Au début des années 40, la guerre accapare les esprits et les designs novateurs sont rares, si bien que l’aiguille « plume » sont toujours beaucoup chassées dans les montres de poignet.

Mais le milieux de cette décennie apporte enfin sa réforme et les aiguilles « feuille de sauge » font leur apparition. Se sont des aiguilles droites, un peu plus épaisses à leur centre, leurs conférant une petite rondeur toute en douceur. La forme d’une feuille de sauge, sans les poils. Elles sont très utilisés jusque au début des années 50

Les aiguilles sont chassées sur les axes. C’est à dire qu’elles sont rentrées en force sur leur support. Elle ne sont ni collées, ni visées. C’est pour cette raison que, certaines fois, elles peuvent bouger donnant ainsi des problèmes d’aiguillage et des heures aberrantes et difficiles à lire. Par exemple, si l’aiguille des heures est sur midi et que celle des minutes indique 15, il y a une des deux aiguilles qui a bougé. Peut-être toute seule suite à un choc, peut-être en touchant un index, peut-être pour une autre raison, il faut alors l’apporter chez l’horloger pour identifier la cause et, cas échéant, resserrer le canon de l’aiguille.

La guerre et les montres militaires dont le cahier des charges imposait des aiguilles lumineuses fût un vivier de nouvelles aiguilles au radium. La série des « dirty dozen », montres militaires fabriquées par douze marques pour l’armée de Sa Majesté, en est l’image parfaite. Aucune des ces douze montres n’a le même jeu d’aiguilles.

On peut quand même attribuer aux années 40 un type d’aiguilles lumineuse particulier, celui des aiguilles « losanges » équipant les « compax » de Universal Genève, les chrono et petites Jaeger LeCoultre et tant d’autres.

Aiguille « Dauphine »

C’est LA forme la plus utilisé. Peut-être parce que c’est la plus belle… Toujours est-il que les premières aiguilles « Dauphine » font leur apparition à la fin des années 40 mais inondent le marcher au cours des années 1950. Ce sont des aiguilles triangulaires. Tout simplement. Omega équipe son modèle « Centenary » pour l’anniversaire du centenaire de la marque en 1947 avec des aiguilles « Dauphine » en or massif. Ce modèle est un véritable carton, la mode est lancées, les Constellations, Seamaster et même les Rolex et Zenith de la décennie suivante vont toutes être habillées de « dauphines ». D’abord toutes pleines, elle seront en suite ajourées d’une petite fente remplie de peinture radioactive ou noire.

C’est à cette période que se normalise la seconde centrale. Jusqu’alors, l’aiguille des secondes était souvent petite et à 6 heures. Mais le manque de lisibilité a poussé les horlogers à centraliser les secondes.

Bien qu’apparuent dans les années 30, puis un peu utilisées dans les années 1940, les aiguilles lumineuses des années 50 sont les aiguilles « seringue ». La Breitling 806 « AOPA » est l’exemple parfait. Elles ne manques pas de classe. Ce type de dessin est toujours très apprécié aujourd’hui. A juste titre.

La droiture des sixties

Les cornes des boîtiers étaient droites, les aiguilles aussi. Logique. Les années 60 sont la fin des aiguilles « Dauphine » et l’apogée des aiguilles droites simple. L’exemple le plus direct est la JustDate de Rolex. Son aiguillage résume totalement cette décennie.

Pour ce qui est des aiguilles lumineuses de cette décennie, les plus utilisés sont encore les « seringue » mais un dessins va mettre tout le monde d’accord. Souvent copié, mais trop puissant pour être réinterprété. C’est les aiguilles « Mercedes » de l’Explorer et de la Submariner de Rolex.

Cette forme est, selon moi, une superbe réinterprétation de l’aiguille « aile de mouche » c’est une réforme.

La même en plus gros

On peut résumer les années 70 ainsi : tout est plus gros. Pour les aiguilles c’est pareil. Droites et plus grosses. Un résumé des années 70. Mais le mélange des genres et des styles commence à ce moment et va s’accélérer pour ensuite pour devenir un gloubiboulga indéfini.

Et oui, cette datation relative aux aiguilles, comme celle liée aux boîtiers, se dilue à l’approche des années 80. Les marques furent en panne d’idée. Et aujourd’hui encore, les horlogers se servent des vieux pots, croyant faire d’aussi bonnes soupes. Mais c’est se fourvoyer. L’horlogerie d’aujourd’hui est devenu un Karaoke. On recycle des vieux tubes pour masquer le manque abyssale de designs novateurs.

Mais c’est une autre histoire.

Merci infiniment à Jean Louis STRACK pour les dessins d’aiguilles